Friday, August 18, 2006

Français mardi 15 août - jeudi 17 août 2006

mardi 15 août 2006
Nucléaire: Ahmadinejad rejette la résolution du Conseil de sécurité

TEHERAN (AFP) - Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a rejeté mardi la résolution du Conseil de sécurité exigeant une suspension de son enrichissement d'ici le 31 août, diminuant encore les chances que Téhéran accepte l'offre faite par les grandes puissances pour obtenir cette suspension.

Le secrétaire général de l'Onu "Kofi Annan m'a demandé de ne pas être froissé par la résolution du Conseil de sécurité et de répondre à l'offre (des grandes puissances). Je lui ai dit qu'apparemment ces messieurs se trompent et croient pouvoir utiliser la résolution comme un bâton, mais le peuple iranien n'accepte pas le langage de la force", a dit M. Ahmadinejad.

C'est la première réaction du président à la résolution du Conseil, adoptée le 31 juillet, et donnant à l'Iran jusqu'au 31 août pour suspendre son enrichissement d'uranium. Faute de quoi, le Conseil pourrait décider des sanctions contre l'Iran.

Le président iranien a toutefois ajouté, lors d'un rassemblement à Ardébil (nord-ouest) retransmis par la télévision d'Etat, que l'Iran allait "donner (sa) réponse à la date prévue", le 22 août, à l'offre des grandes puissances.

Cette dernière a été présentée à l'Iran le 6 juin par les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie) et l'Allemagne.
Elle comporte des mesures de coopération dans les domaines économique et du nucléaire notamment, mais à condition que l'Iran suspende son enrichissement.

M. Ahmadinejad a laissé entendre que la réponse de l'Iran serait négative: elle "sera basée sur la défense des droits définitifs du peuple iranien et personne n'a le droit de renoncer à ces droits".
"L'Iran maîtrise totalement le cycle du combustible nucléaire et personne ne peut y porter atteinte depuis l'extérieur", a encore dit M. Ahmadinejad.

Il a assimilé la résolution du Conseil à une "expression de colère qui ne peut rien" pour diminuer la volonté de l'Iran à poursuivre son programme nucléaire.

"Si vous voulez avoir de bonnes relations avec l'Iran, la seule solution est de reconnaître les droits de notre peuple et de vous prosterner devant la grandeur du peuple iranien. Sinon il vous obligera à le faire plus tard", a-t-il dit encore.

Gholamreza Aghazadeh, le chef de l'Organisation iranienne de l'énergie atomique (OIEA), avait indiqué plus tôt dans la journée que l'Iran refusait de suspendre ses activités d'enrichissement d'uranium, mais était prêt à fournir des garanties pour éviter un détournement de l'uranium enrichi.

"Nous sommes prêts à examiner toutes les mesures de confiance mais l'arrêt de l'enrichissement n'est pas une mesure de confiance", a dit M. Aghazadeh.

Il a ajouté que l'Iran était prêt à "donner" aux Occidentaux la production de la chaîne de 164 centrifugeuses d'enrichissement d'uranium, qui a commencé à fonctionner en avril dernier.
"Une seule chaîne de centrifugeuse n'a rien d'inquiétant, mais s'ils sont vraiment inquiets, nous sommes prêts à leur donner la production de cette chaîne", a-t-il dit.

L'Iran a annoncé en avril avoir réussi à enrichir de l'uranium à 3,5%, puis à 4,8%, un niveau nécessaire pour la fabrication de combustible destiné aux centrales nucléaires civiles.

Le secrétaire du Conseil suprême de la sécurité nationale, Ali Larijani, et le ministre des Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, ont d'ores et déjà condamné la résolution du Conseil, en affirmant que l'Iran n'abandonnerait pas son enrichissement d'uranium.
Les grandes puissances craignent que Téhéran utilise son programme nucléaire civil pour se doter de l'arme atomique, alors que les Iraniens ont toujours démenti que telle soit leur intention.

jeudi 17 août 2006
Exposition de caricatures sur l'Holocauste en Iran

A l'entrée de l'exposition, une affiche montre un casque avec l'étoile de David en haut d'une pile d'autres casques sur lesquels sont inscrits des croix gammées.

A l'intérieur, la statue de la Liberté est représentée tenant un livre sur l'Holocauste et faisant le salut nazi.

Les organisateurs de l'exposition disent présenter les 200 caricatures retenues par un jury dans le cadre d'un concours international de caricatures sur l'Holocauste organisé en Iran.
L'objectif, selon eux, est de tester la capacité des Européens à remettre en cause leurs propres tabous.

"Il s'agit d'un test des limites de la liberté de parole adoptée par les pays occidentaux", déclare Massoud Shojaï-Tabatabaï, le directeur de la Maison de la caricature, un syndicat de caricaturistes, qui a participé à l'organisation de l'exposition.

Le journal iranien au plus fort tirage, Hamchahri a lancé en février une compétition de caricatures sur l'Holocauste, en riposte à la publication de caricatures du prophète Mahomet dans des journaux européens.

"Nous voulions questionner les tabous européens. Pourquoi s'interroger sur l'Holocauste serait-il un tabou?. Pourquoi toute personne qui évoque le sujet devrait-il recevoir une amende ou aller en prison ?", a-t-il ajouté.

La négation de l'Holocauste est considérée comme un délit dans certains pays européens, comme l'Allemagne, l'Autriche et la France. Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad a déclaré qu'il s'agissait d'un "mythe" et il a affirmé que ce sujet devrait faire l'objet d'un débat.

Les organisateurs du concours, qui a soulevé un concert d'indignations en Occident, disent avoir reçu 1.193 dessins en provenance d'une soixantaine de pays.

L'effroi de l'Iran et la mystique de l'imam caché
Le Figaro

L'Iran fait peur, semble-t-il. Il ferait peur déjà sans l'arme nucléaire, alors imaginez «avec»... La peur, mauvaise conseillère, est de l'ordre de l'irrationnel. Trois siècles après Montesquieu et Bodin, il est grand temps d'en finir avec notre logique de l'«Oriental» éternellement et inéluctablement condamné au «despotisme».

Ne mourons pas toutes et tous, idiots, surtout si nous sommes dans la recherche universitaire et la presse. Sortons aussi de l'outrecuidance de Boulanger, au XVIIe siècle, selon qui «l'histoire nous montre l'Europe toujours brave, toujours jalouse de sa liberté».

Et ce, d'autant que, l'émergence et la domination de l'Amérique ont compliqué davantage les choses...Et demandons-nous : pourquoi donc l'Iran nous inspire-t-il tant d'effroi, de fantasmes ?

Trois raisons sont vraisemblablement à leur origine : la nature du régime iranien que nous avons tendance à qualifier au mieux de «théocratique», au pire de régime «des mollahs» ; la détention probable par Téhéran de l'arme nucléaire ; la contestation par cet acteur des intérêts occidentaux, essentiellement américains, dans la région et, plus largement, de l'ordre régional, qui se manifeste souvent en termes d'antisionisme, voire chez certains dirigeants, d'antisémitisme.Le drame politique de l'Iran, c'est qu'il n'y existe pas de forces politiques «démocratisantes» puissantes et bien organisées.

Le clergé constitue, malgré tout, la force possédant la plus grande assise idéologique, financière et, en fin de compte, sociale, en un pays sans véritable tradition pluraliste et compétitive (contrairement à la Turquie). La tendance de l'Iran à l'isolationnisme a probablement un rapport avec le chiisme, tendance minoritaire dans l'islam, prégnante et rebelle aussi ailleurs au Proche-Orient, notamment au Liban et en Syrie. L'idéologie du régime fait que Téhéran apportera sans doute plus ou moins ouvertement ou plus ou moins secrètement son soutien aux Palestiniens et aux Syriens. Les questions azérie et kurde seront, comme jusqu'à présent, habilement occultées et évacuées.

La «voie chinoise», outre le fait qu'elle écarte la démocratisation du régime et se trouve en contradiction avec la rhétorique de democracy, reste hautement improbable en Iran.

Les investissements économiques et financiers qu'elle demande se heurteraient à l'antioccidentalisme des conservateurs qui dominent le régime. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard que Téhéran fait appel pour ses gros contrats au Japon, considéré implicitement comme un modèle à suivre, car il a réussi la synthèse entre tradition, respect de la culture et développement économique.

Une ouverture économique de Téhéran aux Etats-Unis s'accompagnerait inéluctablement d'une ouverture politique, via la diaspora de Los Angeles, qui heurterait les intérêts du clan au pouvoir.

L'hypothèse selon laquelle, les conservateurs, après avoir coupé l'herbe sous le pied des réformateurs, entreprendraient maintenant eux-mêmes des réformes, paraît quelque peu optimiste.

Le système parlementaire de la République islamique, tel qu'il fonctionne actuellement, en reflétant avant tout le jeu des factions cléricales rivales, n'autorise pas pour l'heure une transition politique de type démocratique. D'un autre côté, bien sûr, on aurait tort pour autant d'oublier que l'Iran est l'une des sociétés musulmanes qui, avec la Turquie et le Maroc – mais d'une tout autre manière que ces derniers –, est la plus profondément traversée par l'idée démo cratique.

Concernant le nucléaire, qu'il s'agisse des États-Unis, d'Iran, de la Corée du Nord, du Pakistan ou d'Israël, il n'est jamais très rassurant de voir un État détenir cette arme épouvantable, comme du reste les armes dites conventionnelles pourtant de plus en plus destructrices. Il n'est jamais totalement sûr que tel ou tel État l'utiliserait, toujours et sans faille, pour le bien de l'humanité, pour la vertu, la liberté ou la raison, et tel autre pour le mal, la destruction ou la déraison : les frontières entre ces notions sont parfois floues et discutables.

Pour autant, en l'occurrence, la politique parfois simpliste et manichéenne, à coup sûr maladroite des dirigeants iraniens est de nature à inspirer quelques inquiétudes. Mais l'erreur c'est que l'antioccidentalisme du régime actuel iranien est souvent jugé à l'aune de son attitude vis-à-vis d'Israël, vite ramenée à de l'antisémitisme.

Or ce dernier n'a pas évolué dans le même contexte que l'occidental : contrairement à l'Allemagne, à la Pologne, à la France, les sociétés musulmanes sont avant tout des héritiers des empires et qui ont mis en pratique soit la laïcité autoritaire, soit «la laïcité du permis» et longtemps étrangers au modèle de l'État-nation de facture européenne, d'importation heureusement tardive.

L'Iran est aujourd'hui encore réfractaire à l'ethnicisation de sa politique.Si le régime iranien est aujourd'hui aussi esseulé, la politique américaine dans la région n'y est pas étrangère. Comment demander aux Iraniens d'oublier l'épisode de Mossadegh en 1951, un tournant qui aurait pu être pourtant décisif dans la vie démocratique d'Iran du XXe siècle, et la réaction brutale de la CIA qui a vu dans la nationalisation du pétrole, une menace pour les intérêts américains ?

Comment expliquer l'attitude conciliante des Etats-Unis envers Riyad dont la politique est infiniment plus conforme aux préceptes de la religion que celle de Téhéran ?

Prenons garde, dès lors, à ne pas contribuer davantage à l'isolement et à la diabolisation de l'Iran : la seule politique raisonnable, de la part des Européens, avant que ce ne soit trop tard, c'est de faire le maximum, sans céder sur les valeurs de la démocratie et des droits de l'homme, pour maintenir le dialogue avec ce pays d'histoire millénaire et de culture, et pour aider coûte que coûte à son intégration régionale, voire internationale.

Dans un récent article intitulé «22 août», l'illustre Bernard Lewis attire l'attention sur le fait que, dans l'islam, de même que dans le judaïsme et le christianisme, certaines croyances portent sur une bataille cosmique marquant la fin des temps – Gog et Magog, l'Antéchrist, Armageddon et, pour les musulmans chiites, le retour tant attendu de l'Imam caché, qui doit déboucher sur la victoire finale des forces du bien sur celles du mal, quelle qu'en soit la définition.

Il est évident, conclut l'islamologue, que Mahmoud Ahmadinejad et ses adeptes croient que ces temps sont venus et que la lutte finale est déjà entamée, même bien avancée. Elle pourrait même avoir une date précise, mentionnée par plusieurs indications du président iranien sur sa réponse finale aux États-Unis sur la question nucléaire : le 22 août.

Quelle est la signification du 22 août ? En 2006, le 22 août correspond, dans le calendrier islamique, au 27e jour du mois de Rajab de l'année 1427. Or, pour beaucoup de musulmans, la tradition veut que, cette nuit-là, le prophète Mahomet enfourcha le cheval ailé Buraq pour se rendre d'abord à la «mosquée la plus éloignée», usuellement considérée comme se situant à Jérusalem, puis au paradis, avant d'en revenir.

Cela peut sans doute être considéré comme une date appropriée pour mettre un terme apocalyptique à l'existence d'Israël et, si nécessaire, du reste du monde. La fin de l'article de Lewis est toutefois relativement prudente... et rassurante : «Il n'est pas certain du tout qu'Ahmadinejad prépare une telle opération cataclysmique pour le 22 août précisément.»
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Bernard Lewis, «August 22, Does Iran have something in store ?», Wall Street Journal, 8 août 2006.

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